ILS CONSTRUISENT DES PRISONS NEUVES

Imaginez un lieu clos, insalubre et surpeuplé, sans aucune possibilité d'intimité. Imaginez un état d'insécurité permanent : la peur des brimades arbitraires, du racket, du viol. Imaginez un lieu où tout ce qui est vital - les soins, l'argent, le plaisir, le mouvement - est rare, empêché, transformé en objet de chantage. Imaginez un lieu où la seule manière de se faire entendre, c'est de se trancher les veines ou d'avaler une fourchette. Imaginez l'étirement du temps, le rétrécissement de l'espace, l'attente interminable, les espoirs sans cesse déçus de libération anticipée ou conditionnelle. Imaginez la colère et le désespoir, l'envie d'émeute et la tentation du suicide. Ce lieu, c'est la prison. C'est ce que vivent aujourd'hui près de 50.000 personnes. Vous vous dites : cela ne me concerne pas, cette expérience n'est pas la mienne et ils l'ont bien cherchée. Vous avez tort. Cette expérience pourrait être la vôtre demain, et elle l'est déjà un peu, par fragments. Demandez-vous ce que vous ressentez lorsqu'on entrave votre liberté de mouvement, vos désirs, vos amours ; lorsqu'on vous manque de respect, qu'on tient pour nul ce que vous réclamez, qu'on vous prive de droits, de soins ou de revenu. Pour haïr la prison, nul besoin de compassion : nos sensations suffisent. Voilà pourquoi, ensemble, nous descendrons dans la rue : - Pour dire au gouvernement que nous ne voulons ni de ses surveillants supplémentaires, ni de ses prisons neuves : on n'humanise pas une épreuve inhumaine, on la supprime. - Pour soutenir les détenus, parce qu'ils nous sont proches, physiquement : parmi nous, dans la ville, derrière ces murs visibles depuis la rue. - Et pour nous mêmes, aussi. Parce que nous pourrions être de ceux-là. Et que nous ne le supporterions pas.

NOUS MANIFESTONS POUR LES PRISONNIERS

Le samedi 4 novembre à 16h, métro Sèvres-Babylone

Chers amis,

Nous vous proposons de manifester avec nous, le 4 novembre prochain, pour les prisonniers. Cette manifestation nous semble nécessaire et possible, pour trois raisons :

- La conjoncture : depuis les "révélations" du Dr Vasseur", la presse, les experts, les parlementaires, tout le monde s'agite sur les prisons. Mais cette agitation risque fort de retomber. Surtout, elle reste abstraite. Il est temps de passer du débat au mouvement. Depuis quand n'y a-t-il pas eu, en France, de mobilisation de rue pour les prisonniers ? Depuis les années 70, époque où la question des prisons était traitée de manière politique, alors qu'aujourd'hui elle est traitée de manière strictement technique.

- Le calendrier : le vote du budget commence le 16 octobre. Le budget carcéral, notamment, y sera débattu. Cela pourra être l'occasion de déplacer les enjeux. "Ils construisent des prisons neuves, nous manifestons pour les prisonniers": tel sera le mot d'ordre de cette manifestation.

La forme : une manifestation sera l'occasion d'une rencontre entre nos expériences multiples, nos points de vue variés, nos revendications spécifiques. D'expérience, nous savons la difficulté de s'accorder sur un texte "unitaire". Il nous semble que l'important est moins l'homogénéité du discours que l'événement lui-même. Car cette manifestation sera, d'abord, la manifestation de tous ceux qui sont exposés à la prison, l'ont été, pourraient l'être : d'anciens détenus, de futurs détenus, des prostitué(e)s, des sans-papiers, des victimes de la double peine, des usagers de drogues, des chômeurs, des précaires, "des fous", ou autres anormaux. Elle sera, par extension, la manifestation de leurs proches, de tous ceux qui, dehors, ont le droit de se regrouper, eux : des familles, des amis, des associations de séropositifs, de malades, d'immigrés ; des militants associatifs, travailleurs sociaux, médecins, avocats, aumôniers. Elle sera enfin, la manifestation de tous ceux qui s'oppose au projet autoritaire et unilatéral de Guigou, à son projet tout-prison, à l'idée qu'il n'y a qu'une réponse unique au problème de la prison : la prison, la construction de nouvelles prisons même high-tech. Nous n'en voulons pas.

- Chacun pourra mobiliser comme il l'entend, sur ses revendications propres. Act Up, par exemple, réclamera la généralisation des grâces médicales et la non-incarcérabilité des personnes atteintes de pathologies graves.

La Commission Prison d'Act Up-Paris